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Rhum agricole de Madère : nouvelle terre de rhum

Dernière mise à jour : 4 oct. 2022


Rhum de madère

L’île de Madère est en passe de devenir un nouveau terroir de rhum, probablement l’un des plus proches de l’Europe. Cette zone autonome rattachée au Portugal offre en effet un sol volcanique et un climat subtropical très propices à la culture de la canne. Mais revenons au début de l'histoire...


Le premier moulin à canne à sucre (Engenho) a été recensé en 1452. C'était un moulin à eau, comme la majorité des autres moulins qui ont été construit, car le relief et les cours d'eau de l'île se prêtaient particulièrement bien à cette technologie. L'activité sucrière a connu très vite une croissance fulgurante : on dénombrait au moins 14 moulins à eau en 1496 et au moins deux fois plus à la fin du XVIè siècle. La concurrence de la betterave au XVIIIè siècle a porté un sérieux coup à la filière avant que la science n'entre en jeu à la fin de ce même siècle en introduisant la machine à vapeur plus performante, puis au cours du XIXè siècle en améliorant la qualité, la résistance et les rendements de la canne à sucre.

L'aguardente (eau-de-vie) fut dans un premier temps marginale puisque la culture de la canne était presque intégralement dédiée au sucre. La mention d'un aguardenteiro, faiseur d’eau-de-vie, apparait pour la première fois dans les archives en 1649. Certains affirment cependant que la distillation de mélasse existait sur l'île bien avant cela. La première référence à une distillerie remonte à 1667 avec la trace d'une vente : le couvent de Santa Clara a vendu un alambic en cuivre au marchand Manuel da Fonseca.


Rhum Portugal

Plus tard, au XVIIIè siècle, l'aguardente (eau de vie) a été beaucoup utilisée pour fortifier le vin de Madère (les vins fortifiés reçoivent une portion d'eau-de-vie au moment de la fermentation comme les vins de porto) ce qui a engendré quelques conflits d'intérêts. En effet, à l'époque, on utilisait principalement des eaux-de-vie de vin Portugais ou encore du Cognac. La concurrence de l'aguardente était donc un cailloux dans la chaussure pour les distillateurs et négociants traditionnels. Le Cognac était plus cher, mais de bien meilleure qualité que l'aguardente, raison pour laquelle les producteurs on tenté de monter en qualité pour le concurrencer. Grace à des aides de l'Etat, on voit donc apparaitre au début du XIXè siècle des alambics de Cognac.


Meilleur rhum de madère

Rapidement, la colonne à distiller fait son apparition, ce qui a permis de produire de plus grandes quantités. Du point de vue des volumes, Madère était désormais capable de rivaliser avec la France. De plus, les producteurs locaux d'eau-de-vie ont défendu leur production en vantant la qualité et la salubrité de l’alcool de colonne. Un autre des arguments était que les eaux-de-vie de France s’abimaient pendant le transport et étaient très réduites donc plus chères au prix de l'alcool. Il était donc plus économique d’utiliser l'aguardente locale. La partie fut gagnée en 1822 lorsqu'ils ont obtenu l'interdiction de l'importation d'alcools étrangers pour la fortification du vin.



Lors de ce XIXè siècle, l'aguardente de canne a progressivement remplacé l'eau-de-vie de vin traditionnelle malgré la réticence des producteurs de cette dernière. Cette transition a été très conflictuelle : on a déploré des sabotages, des conflits sur les brevets de techniques de distillation, des procès en contrefaçon etc. Dans le même temps, la Poncha (un cocktail à base d'aguardente de canne, de miel de canne et de jus de fruits toujours très en vogue) est devenue de plus en plus à la mode.


L'industrie périphérique à la distillation se développe aussi (chaudronnerie etc). Au milieu du XIXè siècle, on comptait 13 engenhos / distilleries qui produisaient 7 à 8000 tonneaux par an.


Distillerie rhum madère

A l'époque, c'est un certain William Hinton qui domine le secteur de la distillation de mélasse. Celle-ci était toujours préférée à celle du pur jus, réservé à la production du sucre en priorité. A la fin du siècle, il réussit à imposer des règles strictes que quasiment lui seul peut suivre, malgré la cinquantaine d’usines sucrières existant sur l’ile.


Au début du XXè siècle, de grandes quantités d'aguardente de canne sont produites, donnant à Madère le surnom « d’île de l’eau-de-vie ». Malheureusement, cette situation engendre de graves problèmes sur la population locale : une production excédentaire et donc des prix extrêmement bas entraine une consommation excessive. En 1911, des quotas de production sont imposées et le monopole de la distribution est confié à Firewater Madeira.

Rhum agricole Portugal

Par la suite, les changements de politiques successifs provoquent la désorganisation totale de la production : moins de champs de canne au profit de la vigne puis autorisation de l'importation de mélasse car plus assez de canne. Puis ce fut la fermeture des distilleries de vin qui conduit à des émeutes. En 1924, les limites de production sont déplafonnées pour ensuite augmenter les taxes en 1926. Cette politique en dents de scie entraine, en 1939, la fermeture de 39 distilleries (de vin et de canne) sur les 48 actives au début du siècle.


A cette époque, on compte deux fois plus de ventes d'aguardente pour la fortification du vin que pour la consommation d’eau-de-vie en tant que telle.


Depuis la fermeture de l’usine sucrière Hinton en 1986, la culture de la canne est exclusivement consacrée à l'aguardente et au miel de canne. Le rhum agricole de Madère bénéficie d'une IGP (DOP : Denominação de Origem Protegida) depuis février 2011, il est exclusivement fabriqué à partir de pur jus.



Les rhums agricoles de Madère


engenhos do norte

Le saviez-vous ? Pour pouvoir être qualifié d’"Agricole", un rhum doit répondre à des critères strictes : présenter une teneur en substances volatiles égale ou supérieure à 225 grammes par hectolitre d’alcool pur et il ne peut être originaire que de certaines zones géographiques.

En effet, seuls les rhums qui sont produits dans les départements d’Outre Mer français (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion) et à Madère peuvent bénéficier de l’appellation "rhum agricole".


Quatre variétés de canne sont cultivées sur les terrasses de Madère, souvent de très petites surfaces, par 800 agriculteurs qui fournissent la matière première aux deux moulins principaux. La production annuelle de rhum avoisine les 240.000 litres à 100 % d’alcool. Récoltée manuellement de mars à mai, la canne est transportée à dos d’homme des terrasses jusqu’aux points de chargement sur la route et est ensuite livrée aux moulins pour être directement broyée. C’est donc une production toujours très artisanale. Le jus de canne subit une fermentation en général de 48 heures et la distillation est réalisée dans des colonnes traditionnelles, un peu comme aux Antilles. La grande différence avec les Antilles réside dans le climat beaucoup plus doux, qui donne lieu à un volume d'alcool perdu par évaporation lors de l'élevage en fûts (appelé "part des anges") beaucoup moins élevée pour les rhums vieux.


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Comme pour les autres rhums agricoles, la mention "rhum vieux" est obtenue à partir de 3 ans de vieillissement. La part des anges est de 2,7% par an en moyenne dans les hauteurs et peut aller jusqu'à 5,5% par an en bord de mer.


Rum madère

On compte aujourd’hui 4 distilleries sur l’île :

La principale s’appelle Engenhos Do Norte. Etablie en 1927, elle produit une large gamme de rhums allant du blanc au vieux, et notamment les rhums Branca et 970.

Les Engenhos da Calheta ont également une production importante, mais davantage réservée au marché local et à la poncha.

La compagnie de L’Engenho Novo est arrivée sur le marché Français en 2017, après sa première participation au Rhum Fest Paris. C’est la distillerie de l’ancienne usine d’Hinton qui a repris du service et qui propose une gamme de rhums vieux « William Hinton » ayant bénéficié de finitions variées (Porto, Madère, Sherry, Whisky, Brandy…).

La plus petite structure est une distillerie familiale qui produit le rhum O Reizinho.



Quatre catégories de rhums sont autorisées par l’appellation « rhum agricole de Madère » :

• le rhum agricole blanc, qui doit afficher un pourcentage d’alcool minimum de 37,5 % et qui titre généralement 40 ou 50 %

• le rhum blanc dans lequel macère un morceau de canne à sucre

• les rhums aromatisés

• les rhums vieillis de 3 ans, 6 ans ou Reserva, 9 ans, 12 ans ou Reserva Velha, 15 ans, 18 et 21 ans. Mais il existe aussi des versions plus âgées et des « millésimes » (production d’une seule année).


Les étiquettes actuelles sont très confuses, la plupart mentionnent toujours « Aguardente de Cana » sans référence à l’appellation « rhum agricole » et ne reprennent généralement pas l’âge du rhum. En fait, la DOP étant récente, les producteurs écoulent toujours leurs anciens stocks d’étiquettes… Pour pouvoir être commercialisés, les rhums doivent être contrôlés par l’IVBAM « Intistuto do vinho e do bordado y artesanato da Madeira » qui réalise des analyses et des tests de dégustation.


De belles perspectives à venir...affaire à suivre.



En bonus, la recette de la Poncha de Madeira :


recette poncha madère

Les ingrédients traditionnels les plus courants sont le jus d’orange et le jus de citron, du rhum blanc et du miel d’abeille liquide, mais on peut varier les plaisirs avec du jus de mandarine ou de la pulpe de maracuja.


• 25 cl de jus d’orange frais

• 10 cl de jus de citron frais

• 55 cl de rhum blanc agricole à 40 %

• 15 à 20 g de miel liquide


Mettre les ingrédients dans un shaker avec quelques glaçons, agiter et filtrer dans un verre old-fashioned. Dégustez, fermez les yeux...voyagez !

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